Annie Gallay
 
   
   
l'Agenda ::  
 

Un calendrier des pompiers rêvait de se décrocher pour voir le temps passer ailleurs qu’au dessus de l’évier.
Il sentait que cela devenait urgent: les éclaboussures de cuisine et de vaisselle le défiguraient et il n’y voyait plus goutte.
C’était en avril.  Quand la fenêtre de la cuisine était ouverte, le calendrier , ébouriffé par les courants d’air de lilas, se voyait déjà en haut de la friche voisine.
De là il pourrait contempler les minutes, les secondes voire même les heures, lui qui ne comptait que les jours, les mois, et un an seulement.
Parfois on ferait mieux de s’abstenir de ce genre de souhait.
Un Raspoutine, qui ne tenait pas en place, se pointe pile devant la fenêtre en question. Le Raspoutine voit le calendrier. Ni une ni deux, il décroche le calendrier et se sauve avec.
Où m’emmènes tu ?
Tu verras bien !
Arrivé en ville, le Raspoutine a faim. Mais il est au régime.
Pour ses pouvoirs divinatoires il ne peut diner que de papier coloré.
Janvier, Février, Mars,  disparaissent dans son estomac. Le calendrier est déchiré : d’un côté il a envie d’en connaitre plus sur la temporalité du monde hors cuisine, d’un autre côté il a très mal à ses mois de début d’année, réduits en nourriture pour le Raspoutine.
S’en suivirent plusieurs (4) minutes de doute et de douleur. Le calendrier,
désireux de recommencer à compter en jours, fait un effort terrible pour se
souvenir qu’on est en Avril.
Le Raspoutine fait la sieste.
Le calendrier profite du vent printanier pour cahoter sur le trottoir. Un chariot de supermarché, qui déambule doucement sur la rue en pente, aperçoit le calendrier. Dès le premier contact ils se sont plus. Ils firent quelques jolis voyages, eurent des moments d’éternité, des moments d’immobilité.

Quand les pompiers sont rentrés dans leur cuisine, ils ont voulu savoir
"quel jour on est ? "
Plus de calendrier… bon, tant pis, les pompiers sont allés se coucher sans savoir. Le lendemain du jour inconnu, les pompiers sont quand même allés travailler, et tous les autres jours aussi.
Plus jamais le calendrier ne donna le jour, le mois, l’an. Ca n’empêcha pas les catastrophes d’arriver, ni les pompiers d’aller réparer les dégâts.
Mais c’était il y a longtemps, au siècle dernier, c’est à dire avant le
nouveau siècle qui commença, dit on , directement en Avril…
ou pas forcément

Dès que j’aurai réussi à apprivoiser un nouveau calendrier, il paraitra sur ce site

Respiration douce à toutes et tous
Annie Gallay

 
     
   
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